Le 19 mars est fêté comme une victoire en Algérie. Depuis quand commémore t-on la victoire de l'ennemi ?
Général (2S) Roland DUBOIS
Demain ce sera l’anniversaire de la signature des accords d’Evian, censés mettre fin à la guerre d’Algérie. M. Macron commémorera l’événement. Soixante ans déjà ! Ce président qui a tant fait en cinq ans pour abaisser le pays dont il est le chef, finira « en beauté », flattant sans doute au passage une bonne partie des électeurs musulmans à 20 jours du premier tour de l’élection présidentielle ?
Rappelons qu’il y a eu plus de victimes après cette date que dans toute la durée du conflit. Rappelons aussi que nous avons laissé massacrer sous nos yeux ceux qui avaient été nos camarades de combat. Nous avions pourtant encore là-bas une armée de près de 400.000 hommes qui sont restés l’arme au pied, empêchés d’agir par les ordres indignes reçus du plus illustre de ses membres, le général de Gaulle, dont la responsabilité dans cette horreur et cette honte est écrasante.
Savez-vous que les jeunes officiers et sous-officiers qui encadraient les harkis, qu’ils regardaient dans les yeux tous les jours, qui courraient tous les risques avec eux, ont été contraints de les désarmer et de les laisser sur place, abandonnés aux représailles ? Et cela après avoir été exhortés à « s’engager au nom de la France », toujours par le même. Savez-vous que la minorité de harkis, et leurs familles, qui a finalement pu être rapatriée l’a été grâce à la désobéissance d’officiers français qui, dans le désordre ambiant, ont réussi à les faire embarquer plus ou moins clandestinement ?
Savez-vous qu’un grand nombre, à peine posé le pied sur le sol métropolitain, a été renvoyé en Algérie par le gouvernement français, les renvoyant ainsi aux bourreaux ? Ceux que l’on a finalement tolérés ont été parqués, parfois pendant des dizaines d’années, dans des camps insalubres qu’on n’oserait pas proposer aux fichés « S » actuels. Et il ne faut pas oublier que dans cet immobilisme criminel, on a aussi regardé ailleurs quand c’était des civils, Pieds Noirs et Musulmans, qui étaient massacrés. La faute est inexpiable. Il faut dire que nous avions déjà « fait le coup », à une moindre échelle, en Indochine. Mais là au moins nous avions l’excuse de la défaite.
J’étais là-bas comme beaucoup; mais je n’ai pas été impliqué directement. Je vis cependant encore, si longtemps après, dans mon cœur et mon esprit, les affres de ceux qui ont dû subir ou assister à ça. Malgré les années, je ne peux m’empêcher d’y penser avec émotion. Nous avons abandonné les seuls envers qui nous avions une ardente obligation de secours. Quand les survivants, ou leurs descendants, assistent à l'invasion que nous subissons maintenant sans combat, ils doivent se demander s'ils ont alors fait le bon choix.
Une certaine amertume me vient quand j’entends parler de l’honneur de la France ; parfois je me dis qu'il est heureux que ce soit un honneur qui repousse.
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